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" L’attirance des choses

C’était mon quartier, plutôt mon lieu de travail, j’étais dans la sécurité, je surveillais les bateaux, les péniches qui se trouvaient sur les quais, les voies ferrées, les bateaux de dragage . Tout le quartier était un peu sombre, un peu triste, on l’appelle le quartier de l’Eure. La nuit, quand je faisais ma ronde, je faisais au moins 5 km, avec une boite noire... le "mouchard". Je surveillais avec ma lampe de poche, dans les hangars. C’était tranquille, il y avait des pêcheurs, on pouvait pénétrer facilement sur le port, aujourd’hui c’est très surveillé. Au bout, en briques, c’est la médecine du travail. Il y avait une église et les marins venaient prier. Il y avait le café, le chocolat, le blé qui étaient stockés, et puis les ferrailles, les wagons, des trains de marchandises qui passaient là. Sur ce quai, il y avait tous les dockers qui déchargeaient les marchandises. C’était très animé.

Je roulais en scooter et plusieurs fois, j’ai failli me casser la figure parce qu’à l’époque, les roues n’étaient pas plus larges que les rails, c’était dangereux.

Aujourd’hui, je suis un peu perdu. C’est comme tout, le charme, ça passe. Maintenant, c’est beau et nostalgique. S’ils pouvaient refaire sans dégrader, remettre un peu comme avant : les mêmes surfaces, les mêmes couleurs. C’est important les traces du passé. On a besoin du passé pour vivre le présent et voir l’avenir. Quand il n’y a plus de passé, on n’a plus rien sur quoi se reposer pour l’avenir.

Dans les années 70, 80, je venais souvent pêcher avec des copains, des petites sardines, des carrelets, et des crabes. Par moment, on se baignait. De temps en temps, la police passait. Il y avait un kiosque ; le samedi, quand les marins arrivaient, on faisait la fête. On pourrait en remettre un ? Ça attirerait du monde, et ça pourrait faire de l’effet sur les immeubles. Ils ont besoin de contrastes, ça fait l’attirance des choses, faire repousser les arbres, ce serait bien aussi. Je voudrais qu’il y ait plus d’arbres, on est sur le quai, et le quai a besoin de fraîcheur. En face, s’il y a des personnes qui veulent descendre de chez elles, ce serait agréable de se promener avec la fraîcheur.

Il y avait de la broussaille, et un petit chantier qui descendait, et les marins, quand ils n’étaient pas très clairs, ils dormaient là. On accrochait les cordes sur les bittes d’amarrage. C’est la nostalgie, c’est bien. Quand ils vont refaire, il faudra garder toutes ces traces. L’industrie moderne, ça détruit beaucoup de choses. Quand on venait ici, on pouvait traverser tout le long, il n’y avait pas de barrière qui casse la promenade le long des quais.


 

L’observatoire

La végétation, ça prouve que la nature a repris le dessus. On pourrait utiliser la plate-forme, faire un petit jardin. Pourquoi pas le laisser en l’état, mais en faire quelque chose, un jardin où on viendrait se recueillir pour le calme, en gardant la nature. Non, en fait, on ne peut pas laisser comme ça, ce ne serait pas respectueux de son histoire.

La nature est semi-sauvage, elle a besoin de se domestiquer… si je pouvais…. C’est mon rêve : acheter la surface, et la refaire avec les anciens poteaux, du neuf avec du vieux, en restant à l’ancienne. Construire une ville, au milieu de la ville, de la campagne pour cultiver. En tous cas, c’est important de l’utiliser, il ne faut pas laisser ça comme ça.

En même temps, c‘est un peu sauvage, pourquoi pas… Dans une grande ville comme ça, on a besoin de nature. Au Japon ou en Chine, des fois, on trouve en centre ville un petit quartier, du vieux, des vieilles maisons, on les garde vers le haut de la ville, et ça permet de regarder la ville moderne en bas, ça fait un contraste. Ici, ça pourrait être une sorte d’observatoire du Havre parce qu’on a tout : le Port, l’ancien port, la ville, l’Hôtel de ville, la falaise, l’eau…


 

Action!

L’eau, c’est important, ça calme. Quand on est stressés… L’eau fait partie de la nature, quand il y avait des bateaux, il n’y avait pas de vert comme ça collé aux parois du bassin, c’était vivant, ça bougeait, les pierres étaient propres et nettes. Il y avait de la vie, mais pas comme ça. Ces marques c'est le monde qui change, c’est le temps qui s’écrit sur la pierre. L’homme a changé la nature et ne la respecte pas trop. On ne dirait pas comme ça.

Le Moyen-âge, c’était une belle vie, à part pour l’hygiène parce qu’on jetait les déchets dans la rue. On fait la même chose avec tout ce qui est moderne, mais on ne le voit pas. L’homme a besoin d’action et aujourd’hui, l’action c’est derrière l’ordinateur. Un paysage comme ça manque d’action.

Mais, si on prend le temps, il y en a. Par exemple, l’arbre, quand on le regarde de près, on imagine et on peut voir le monde qu’il y a à l’intérieur, c’est merveilleux. Il y a une vie, une colonie avec plusieurs locataires, il y a des discussions, des scènes de ménage. Ça me fait penser à mes volatiles. Je passe beaucoup de temps à les regarder et à imaginer ce qu’ils pensent.

En fait,ce qui me gêne ici, c’est que c’est clos, je n’aime pas. Il y a des grillages et la ferraille, ça ne fusionne pas avec le reste. Si tu veux traverser, tu ne peux pas, tu heurtes, tandis que des broussailles, tu peux passer. Le regard peut traverser, mais ces barrières elles nous disent que c’est interdit, que tu n’as pas le droit. C’est comme sur le port ou à la plage : avant on pouvait aller sur la jetée à pied, maintenant, il faut faire un détour. Les endroits où on peut aller, ça se rétrécit."



Samo, le 10 août

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