"Un brin de nostalgie...
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Moi, je suis né au Havre. Il y a très longtemps, j’ai ce souvenir qu’on venait ici, dans le port, avec mes parents, c’était une sorte de petite visite qu’on faisait de temps en temps, sur les cales sèches, sur le port industriel. Ce sont des images qui me restent. C’était un lieu très peu fréquenté, on venait plutôt le week-end. C’était balade, c’était pique-nique. On se posait. J’ai toujours vécu à la campagne et pourtant, on n’allait pas forcément à la plage. On allait en ville pour faire les courses mais pas pour se promener. Et la balade, c’était le Port.
Ce sont des grues sur rails. On pouvait passer en-dessous.
C'est historiquement très marqué ici ; il y a un mélange entre un lieu qui est en même temps vestige – les cales sèches ne sont plus utilisées – et des grues qui fonctionnent toujours. Et puis c’est quand même ce qu’il reste du port d’il y a plusieurs décennies par rapport à Port 2000, c’est encore Le Havre ici. L’histoire du port historique du Havre est là, elle n’est pas de l’autre côté du bassin.
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… du mystère
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C’était il y a longtemps et je n’arrive toujours pas à comprendre ce quartier. On sent bien qu’il y a eu une politique de développement, avec les docks, la piscine, les logements, des tentatives de commerces - pas très efficaces. Je sais bien que ça ne se fait pas en 2 ans, pas en 5 ans, c’est peut-être un travail qui se fait sur plusieurs décennies de créer un quartier ex nihilo… pour l’instant, ça m’interroge beaucoup.
Je ne sais pas qui est venu habiter là. Le lien direct avec le quai, le port, les hangars, je n’en sais rien. Il y a une volonté de lien, est-ce qu’elle fonctionne ? Peut-être que dans 10 ans ça ne sera pas la même donne. Pour l’instant, je me pose des questions. Tout paraît enfermé dans sa logique et les différents espaces ne se parlent pas entre eux.
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C’est compliqué ces hangars : ce qui s’y passe ne se montre pas. Il y a des structures de restauration, de conservation, mais c’est complètement fermé, privé, invisible. Et pourtant, dans ces hangars, il y a des bijoux, des bijoux qui se rapportent au France ; derrière, il y a la grande passerelle du France qui est intacte, elle est magnifique. Je l’ai vue par hasard. Je n’imagine pas qu’il y ait un souhait de cacher, mais c’est comme s’il n’y avait pas conscience de l’intérêt de tout ça. C’est pareil pour le paysage. Rien ne le met en valeur, les choses ne s’articulent pas complètement. Il faut faire un effort pour y rentrer.
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... Et Perret… Toujours
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Ce que j’ai vu juste après les grues, c’est Perret. La ville du Havre, c’est le port et l’architecture Perret. C’est tout à fait ça. Quand j’ai mis le cadre, j’ai fait le focus sur les grues, je n’avais pas du tout vu la tour de l’Hôtel de ville. Après l’avoir aperçue, je ne peux plus la faire disparaître. C’est une part tellement importante dans l’histoire de la ville, dans ce que ça représente, et dans tout ce que la ville n’est pas devenue. Je pense à ses différents projets plus utopistes ... Le Havre aurait pu devenir utopiste… C’était à la fois très visionnaire, et en même temps très marqué par une époque.
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Où sont les gens ?
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Créer l'étincelle pour qu'un quartier prenne, c’est vraiment toute une démarche au-delà de la culture, c’est une politique de quartier. Ça fait une petite heure qu’on est là, à part les voitures, il y a très peu de gens, on sent que ce n’est pas un lieu investi ; il fait beau, on est dimanche, il pourrait y avoir plein de gens qui pique-niquent ici. Créer un événement artistique, c’est aussi une façon d’aider les gens à s’approprier le lieu. Créer de l’événement autour du spectacle vivant, de l’urbanisme, de l’architecture, ça crée ce lien. Je suis convaincu que dans tous les domaines, la demande se crée par l’offre. S’il n’y a pas d’offre, il n’y a pas de demande. Et s’il n’y a pas d’intérêt visible à être là, les gens ne vont pas demander. Par contre, à partir du moment où il commence à se passer des choses, la demande se développe. Ce qu'on propose ici, ça peut être un début."
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Max, le 20 juin