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Un lieu dédié au travail

Je connaissais le lieu, j’ai travaillé au conservatoire maritime, on travaillait sur les bateaux, on réparait les vieux gréements. On était en réinsertion. Il y avait des Vieux qui nous aidaient. On venait ici, près du bassin, pour becter. On voyait les gamins plonger, comme maintenant.

On mettait les bateaux à l’eau ici, avec le portique, ou sans pour les plus petits. C’était surtout des voiliers... les moteurs, ça ne m’intéresse pas trop.

 

Là où il y a les deux grues, il y a des formes de radoub. J’avais un projet de faire un spectacle parce que ça formait une scène de théâtre, à taille humaine. On n’aurai pas pu faire ça dans la forme 7, c’est la plus grande d’Europe. C’est là que le France venait se faire réparer.

Alors, ici, c’est surtout les formes de radoub, le conservatoire et puis un peu plus loin, au niveau des contenairs pour les étudiants, le BCMO, la cloche, l’embauche des dockers. C’est un symbole du Havre, comme les deux cheminées. C’est magique.

 

Des symboles qui disparaissent

 

La cloche, au début, je pensais que c’était un minaret ! J’imaginais le muezzin…

Les deux cheminées, tu es à vélo à 15 km du Havre, tu les vois. C’est vrai que ça pollue. Il paraît qu’elles vont tomber, ça ne me gêne pas tant que ça, mais à ce moment qu’ils virent toute la CFR, Renault… qu’on roule à vélo ! Y a tellement à faire.

Je fais de la photo, j’ai pris les cheminées de partout au Havre. Ça me fascine. Je rêverais de faire une photo avec un joueur de rugby qui tirerait entre les deux poteaux. Le Hac rugby, c’est aussi un symbole ! Mais les cheminées, avec toutes les usines qu’il y avait autour ça marque. Tout va sauter, toutes les usines, les unes après les autres. C’est le symbole d’une ville ouvrière qui n’est plus. Avant, il y avait des manifs énormes. Maintenant…

Il y avait le Marie-Louise. J’aurais rêvé de le racheter. C’est mythique, une femme extraordinaire, les tournages de film avec Little Bob, les vieux poivrots, du souvenir, des partages… tu ne retrouves pas forcément ça partout.

 

Et du rêve

 

Quand je vois les bittes d’amarrage, je repense à mes pauses : je m’asseyais pour manger, je rêvassais, je jouais de l’harmonica.
J’ai bossé à 15 ans en usine. Tu rentres il fait nuit, tu sors il fait nuit et faire les mêmes mouvements répétitifs qui te mènent nulle part, ça donne des envies d’ailleurs. D’être sur une bitte d’amarrage, voir les bateaux, j’étais Philéas Fogg, j’avais envie de faire le tour du monde, j’étais un aventurier, Jack London, Joseph Conrad ! Je n’avais qu’une envie, c’était de parcourir le monde.

J’avais envie de me sortir de cet enfer, l’horizon n’était pas joyeux.

C’était pas du tout aménagé à l’époque, c’était une friche, les arbres poussaient dans les tous les sens, il y avait des détritus, et puis quelques îlots qui racontaient autre chose : le foyer belge, magnifique, où tout le monde pouvait jacter avec tout le monde.

De voir ça, je suis content, il y a des habitations, c’est un beau lieu de promenade, on peut jouer aux boules, c’est bien aménagé, les gamins viennent plonger là, l’eau n’est pas dégueulasse ! La ville est à nous, il n’ y a pas de dégradation, c’est bien.

C’est un lieu de balade plutôt solitaire parce que il n'y a jamais trop de monde. Mais j’ai des souvenirs de fêtes de quartier… des vraies fêtes populaires.

Et puis il y a toute cette eau et le vent. Ils me font retrouver mon calme, je vois les clapotis, l’eau me berce. Je retrouve mon adolescence. En même temps je trouve ça toujours aussi beau. J’ai toujours des rêves, l’eau, les nuages, le vent… Le vent, bon ! à vélo, c’est plus dur. Mais il est là, j’aime ça. Ce n’est pas « planplan ». J’aime bien le défier, surtout en mer, mais aussi dans la ville. C’est une lutte parfois, mais ça peut aussi t’aider ; il y a des moments, tout va dans le bon sens. Tu le prends comme il est, il faut faire avec, la vie, elle est comme ça. Il faut faire front, y aller. Je m’amuse de ce que je raconte, ça fait un peu philosophe à deux balles, mais j’y crois! "

Philippe, le 17 septembre. 

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