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" Le Port en une image

 

La cloche, le pont levé, la centrale, la cloche des dockers, le vieux hangar, les containers là-bas au fond. J’ai tout un condensé du port.

Les deux cheminées, pour moi, elles appartiennent au port. Elles font partie de son identité. C’est un point de repère.

La cloche, je la relie à l’histoire portuaire, Jules Durand...

Les contenairs, c’est ce qu’est devenu le port, ça bouche et ça monte. J’ai tourné en pleine nuit récemment, c’est écrasant d’être au milieu.

Le Havre, c’est une ville où le regard peut partir très loin et là on nous bloque. On cerne la ville, comme un mur d’enceinte.

C’est comme quand on regarde vers la ville, tous ces grands bâtiments… Et pourtant, entre l’ENSM et Sciences Po, il y a cette maison qui apparaît sur la falaise et la tête du bateau phare. On a encore des bâtiments qui bloquent mais on a une percée.

Le Havre, en tous cas la ville basse, n’est pas une ville de grands ensembles, on reste avec une vue dégagée, mais les choses commencent à monter. Je trouve ça un peu regrettable.

 

 

Souvenirs de balades

 

Ici, je me baladais tous les matins, il y avait des résidus de soirée, de barbecue, parfois ce n’était pas très propre, mais c’est aussi des familles, des jeunes qui se retrouvent. Les gens s’assoient, déjeunent, se draguent. A partir du moment où le lieu est pris par la population, c’est le principal.

On a trop vu de « belles » choses vides.

Depuis la gare, j’arrivais par la rue Bellot, je venais au bord du bassin jeter un œil, je passais dire bonjour à Jacquotte au Marie-Louise puis je rentrais par les Docks. Le Marie Louise, j’aime bien y aller et on s’apprécie beaucoup avec Jacquotte. Moi, je n’ai pas d’histoire ici. Mais chez Jacquotte tu touchais un bout de l’histoire incroyable du Havre. Elle a cette faconde! Le bar est fermé…, mais on peut pousser la porte, quelques anciens viennent encore jouer aux cartes.

 

J’aimais voir toutes les grosses moules au bord du quai, que les oiseaux avaient laisser tomber pour qu’elles s’éclatent et qu’ils puissent les becter.

L’été, quand il faisait chaud, les algues envahissaient le bassin, il en était couvert!

Après, il y a un côté macabre dans les bassins. Il y a quand même des gens qui y ont été retrouvés. Tu y penses, tu le sais. Encore plus un jour comme aujourd’hui, où l’eau est noire… moi je préfère quand on y voit. Je suis d’origine paysanne, je ne sais pas nager… L’eau on n’a pas été habitués, alors, je préfère la tenir à distance.

J’aime bien regarder le métal dans l’eau, il se devine, mais reste mystérieux et toute la vie autour se développe.

Ici, c’est un lieu historique des vieux bâtiments, les vieilles grues, les vieux hangars et puis juste ces immeubles plus récents. Je préfère la partie réhabilitée du Quai de Saône…

 

 

L’enjeu de l’appropriation

 

Et puis il y a toute la partie refaite du Jardin fluvial et ça, c’est pas mal.

Je trouve qu’un endroit est bien à partir du moment où les gens se l’approprient. C’est comme le Quai Southampton, on peut ne pas aimer, mais voir du monde, les gamins en trottinettes, les familles qui pique-niquent… ça me suffit.

Ce qui a été fait par le collectif des Gens des Lieux, c’est aussi une façon de s’approprier l’espace.

Ça modifie. Il faudrait tout le temps qu’il y ait des choses nouvelles, que ça bouge, que ça questionne : les manches à air… un avion va se poser, un hélicoptère ?

C’est bien, le mouvement.

Longtemps, on a eu un port mort. Maintenant c’est difficile parce qu’il est parti, le port, on ne voit plus les bateaux, mais ces espaces sont appropriés autrement, ça revit doucement.

 

J’ai tourné un film dans un des hangars. Quand tu pars à 6 h, le jour se lève, la flaque d’eau et la cloche qui s’y reflète, c’est magique.

L’ambiance la nuit, c’est l’arrivée des ouvriers, les mecs qui se garent, qui vont dans leur bureau, ceux avec leur casque. Mais c’est de moins en moins, dans 20 ans, ce sera probablement des zones de logements ici. Il y a des questions foncières.

La friche en face, ce n’est pas un endroit de balade, je ne passais pas de l’autre côté parce que, autant le jardin est ouvert, autant de l’autre coté ça se ferme : les barrières partout.

On est en train d’interdire plein d’endroits qui nous appartiennent.

 

Un quartier de Cœur qui se transforme

 

Le quartier de l’Eure, pour moi, c’est le quartier de Cœur. On est dans un quartier assez ouvrier, même si ça change ; si tu rentres à l’intérieur, tu le ressens encore. C’est le premier quartier du Havre. C’est rugueux : les usines, énormes, posées là, le patronat… Il y a un côté anarchiste et en même temps capitaliste. On voit le rapport de force dans ce paysage parce que les bâtiments symbolisent aussi ça.

Moi, je n’ai rien contre les patrons, mais je n’ai rien pour non plus ! Après il ne faut pas oublier que patron et ouvrier, ce ne sont que deux humains qui se regardent et qui au bout du bout ne seront plus là. En fait, je ne le vois plus trop dans ce paysage, mais c’est ancré dans mon imaginaire.

Ça dépasse la beauté de la cloche, de ses briques… je vois les Dockers, je vois leur appel…On entend les camions, les grues, les meuleuses, c’est du bruit lourd, du bruit de travail.

La couleur dominante ici, c’est le gris, bien sûr le vert est arrivé, mais le ciel… on a souvent les ciels à la Boudin. Le gris c’est l’entre-deux, tu n’es ni dans le clair ni dans l’obscur, et moi, j’ai un problème… le problème de la décision, alors le gris me va bien.

Michel, le 23 septembre. 

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