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Rapprocher le monde

Dans cette perspective qui relie les deux sites sur lesquels nous travaillons, on ne voit pas l’eau, il y a une continuité. Mentalement, on est très éloignés de ce qui se passe de l’autre côté alors que physiquement c’est très proche. On sait qu’il y a l’eau et on a tout un cheminement à faire pour aller d’une rive à l’autre. On est dans une zone d’activités, alors qu’en face, c’est plutôt résidentiel. Ce sont deux mondes un peu éloignés.

Il y a un dialogue entre le front bâti urbain du quartier Saint Nicolas et ses immeubles orientés vers l’ouest, qui s’ouvrent sur un paysage vaste, et en face, il y a ces deux grues anciennes, très belles, ces grands oiseaux sur pattes qui répondent à cette masse bâtie. C’est aérien d’un côté, massif de l’autre. Et au milieu, ce chapelet de luminaires, égrainés, comme les aurait disposés le Petit Poucet, qui nous amènent vers le cœur de ville. Avant, le pont aux arceaux n’existait pas. Il y avait un éloignement mental du quartier de l’Eure par rapport au reste de la ville alors que c’est très proche !

Avant la guerre c’était un lieu de travail encore important, la jonction devait être rapide, d’où le pont ; le lieu est tombé dans l’oubli. Aujourd’hui, l’activité reprend; les entrepôts sont rénovés en lien avec l’accastillage, les bateaux de plaisance, les zones d’hivernage, tout ce site reprend du sens. Ce pont ce n’est pas très grave qu’il n’existe plus, il n’y avait pas de raison de venir ici sauf pour se promener.


 

Changer de perspective et comprendre le paysage...

On a toujours la même perception de la promenade du bassin fluvial, qui longe le quartier Saint Nicolas parce qu’on est toujours au pied des bâtiments, le fait de venir ici, de prendre de la distance, nous rend les choses différentes. Quand j’étais étudiante, je dessinais beaucoup. Pour continuer à avancer et comprendre ce que je faisais, je prenais le dessin, je l’affichais au mur. Les choses prennent sens, la perception change. Quand on est au pied de cet ensemble bâti , on a une succession de bâtiments, quand on s’éloigne, on comprend la cohérence des masses, des matériaux, des teintes de briques… Ce ne sont plus des objets architecturaux posés les uns à côté des autres.

Quand on se promène sur la promenade qui longe une forme de radoub on tourne la tête à gauche, on voit les grues, on tourne la tête à droite on voit les bâtiments, mais on ne fait pas forcément la jonction entre les deux. Quand on se situe de ce côté du bassin, d’un coup, ce dialogue est chouette à voir. Il y a le monde urbain, le monde portuaire, deux mondes qui ont évolué ensemble et on a cette ligne verte de la côte boisée qui crée un lien entre tous ces éléments, notre ligne d’horizon…, de là on voit l’Hôtel de ville, et plus loin, on aperçoit les antennes de Sainte Adresse, Saint Joseph, la Porte océane.


 

Petit ilôt perdu...

Ici, on retrouve ce rapport au végétal, à l’eau, au ciel, quelque chose qui respire fortement. Nous avions cette envie et on trouve ça plus facilement sur les franges.

Le jardin sauvage, c’est cet espace, cette friche végétale avec sa topographie singulière. Il n’est pas au ras du sol, ceinturé d’un mur de briques. Les espèces végétales sont variées et il y a même un olivier de Bohême, un joli petit arbre, noyé dans les ronces. Et tout ça, ça a une valeur si on parle de biodiversité. C’est le seul espace végétal de ce côté de la zone de Lescaut. C’est aussi une réponse à l’aménagement du jardin fluvial, un contrepoint... Petit îlot perdu…


 

Du velours, du travail, des résidents et une greffe à prendre

L’ambiance sonore est agréable, il y a peu de voitures, peu de voix, c’est apaisant. Lorsqu’une voiture passe sur les pavés, il y a un bruit sourd comme quelque chose qui glisserait sur un ruban de velours. On entend aussi les ouvriers qui travaillent dans les formes de radoub, le son du karcher sur les bateaux en hivernage, il y a ce bruit de l’eau… et là, le cliquetis du vent dans les mâts; comme un pivert métallique. Ce sont des sons agréables, ça montre que l’activité, même si ce n’est pas le grand port des containers, est diverse et qu’elle existe encore à cet endroit-là. Ce brassage entre l’activité portuaire, le nautisme, le campus universitaire, les habitants, c’est plutôt chouette.

Il y a du monde. Sur les balcons, il y a des tables, des chaises, des plantes, ce sont des balcons qui vivent. Et puis il y a les gens qui déjeunent, ceux qui promènent leur chien, viennent bouquiner, des joggeurs… mais je n’ai pas l’impression que les gens investissent vraiment l’espace public. C’est une question de temps... la greffe prend du temps.

J’aime la mise à distance lorsqu’on est de ce côté de la rive : on voit des voitures, des gens à vélo, on sent une petite activité, ça bouge, mais on est un peu en dehors de cette histoire. On est en position d’observateur, à la fois concernés par ce qui se passe, et, en même temps, on est très loin de tout ça.


 

Le vent, allié ou adversaire ?

C’est très agréable, il y a un vent doux qui caresse, pas très régulier, il crée du rythme, il ondule, balaye la végétation, elle oscille doucement, contrairement aux masses bâties qui sont importantes physiquement, qui occupent l’espace, presque immuables. D’un coup, ce vent dans le végétal donne quelque chose de léger et délicat, il y a une finesse qui trouve sa place dans un lieu qui peut être dur.

Le vent est vraiment présent et on a envie de lui donner une contenance visuelle.


 

Les bassins, ces stars havraises

Et puis… il y a l’eau. Circuler sur l’eau, pourquoi pas ? Une petite navette fluviale... proposer des alternatives, et se servir de la richesse de la géographie maritime en cœur de ville pour en accentuer ses particularités.

Les bassins, les bords de quai, c’est le port, et en même temps, c’est en plein centre-ville. Il y a une tentation forte de remplir les bassins, de remplir le vide. Pour moi, ce vide, c’est une chance, c’est du calme, c’est de l’inspiration, une respiration. Ce sont davantage les bords de quais qui demanderaient à être repensés afin qu’ils soient redonnés aux habitants.

On se rapproche du bord, l’eau monte, descend, c’est un élément très vivant. Les bassins au Havre font partie du paysage de cette ville. Ce sont des éléments qui relient, qui fédèrent, mais en même temps, qui peuvent éloigner.


 

Colorimétrie

Il y a toutes ces teintes de briques qui sont importantes avec de nombreuses variations et ça, c’est présent dans le quartier depuis longtemps. Il y a la couleur blanche du métal, ou des bateaux et tout ça est enveloppé par le vert du végétal, du jardin fluvial, le vert plus foncé de la côte au loin et enfin il y a le ciel qui aujourd’hui est bleu.

C’est aussi ce qui rend insolite les grues : cette couleur verte assez crue qui les fait émerger comme des objets à part entière. Elles ne se fondent pas dans le décor, et ce n’est pas du décor d’ailleurs. Cette couleur n’a pas été pensée en fonction d’une intégration urbaine, de continuité des teintes des matériaux, c’est un autre registre. Les seules teintes vives qu’on ait sur le site ce sont les grues vertes, le portique bleu … Et la rouille

Dorothée, le 10 juillet. 

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