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Le Port, l’inaccessible, l’incompréhensible…

Hier, je suis allée me promener en vélo. Je ne suis pas du Havre.Cette découverte du Port, c’était assez magique, j’avais l’impression d’être dans une ville... une ville-containers, complètement vide, c’était très oppressant. Au début, je ne m’aventurais pas trop, j’avais l’impression que je n’avais pas le droit, l’impression que les containers pouvaient tomber à tout moment... tu te demandes comment ça tient. Ce sont des échelles qui ne sont pas du tout humaines; tu as l’impression qu’il ne se passe rien, mais en même temps ça a l’air de bouger tout le temps, tu vois des machines, tu vois plein de petites interventions que tu ne saisis pas.

Je sais que beaucoup de gens y travaillent, toute une organisation, une fourmilière, et comme les fourmilières, ça se passe en-dessous. Je me demandais si j’avais le droit de franchir certains passages.

Je suis allée en ville haute, ce qui m’a plu c’est de voir les lumières sur l’eau, sur les usines, le côté industriel, grosses fumées, la démesure. Ça me plaît visuellement, je trouve ça attirant, et à la fois terrible.

Ici, c’est plus lointain. Quand j’ai découvert cet endroit la semaine dernière, j’avais cette sensation d’être déjà dans le grand Port. Aujourd’hui, il y a du soleil, je vois que c’est un espace aménagé, il y a des gens qui se baignent, il y a de la lumière, c’est plus convivial, plus humain. Mais le Port est là, ne serait-ce qu’avec ce monument pour les dockers victimes de l’amiante. Je trouve ça graphique.


 

La bascule

Quand tu penses au Havre, que tu n’y es jamais allé, tu penses à ça en premier : Le Havre, c’est un grand Port, c’est ce que je recherchais. Ce qui m’a surpris, c’est le changement d’ambiance en allant en ville. Tout à coup, il y avait des gens, et c’était à l’échelle. C’est comme si la ville était toute petite, on a l’impression que ce sont deux entités différentes qui cohabitent, l’une à côté de l’autre. Ici, où l'on est, c’est le passage, surtout si tu es en voiture. Pour les piétons, j’ai l’impression que ça s’arrête. Tu franchis la ligne et tu vas vers autre chose, c’est peut-être le bassin qui fait qu’on bascule.

Ça rend nostalgique.

Quand j’ai voulu faire mon tour de vélo, je me suis dit que j’allais avoir toutes sortes de pensées poétiques, et en fait, non... C’était très contemplatif, c’était le silence, et un peu le vide. Je ressentais plein de choses, et pas grand-chose à la fois... un vide contemplatif, agréable, reposant. J’ai aussi pris beaucoup de vent, j’avais la tête remplie, tout est un peu étiré, éprouvant.


Mon paysage

Les cheminées, c’est très graphique, elles sont massives et en même temps, elles s’élancent, elles sont extrêmement présentes. Tu les retrouves où que tu sois dans la Ville.

Il y a des enfants qui se baignent... C’est de l’appropriation de l’espace... Je trouve ça magnifique comme endroit. Ils sont tout jeunes, font des sauts, rigolent entre eux, se lancent des défis. C’est un lieu de rencontre avec des usages assez informels. Pas loin, il y avait un groupe de jeunes en voitures, musique à fond. J’ai vu des traces de pneus, à mon avis ça fait du drift. Je pense que si on y passait un peu de temps, on y verrait plein de choses.

L’espace est immense, mais il y a des habitués. Ce monsieur qui pêche, je l’ai vu hier déjà. C'est confidentiel en même temps ici. On peut avoir le sentiment de pénétrer dans un espace d'habitués dans lequel on n'aurait pas forcément notre place.


 

Et de l’autre côté du bassin...

Retirer les ronces, repeindre ? On ne sait pas où ça mène ; est-ce que ce lieu, on le fait davantage exister parce qu’on dit à tout le monde de venir voir ? Est-ce que les gens savent déjà ? Et même s’ils ne savent pas, ils peuvent y aller. Il y a ce côté un peu secret, tu y vas, tu découvres, il n’y a personne, peut-être que ça fait partie de ce qu’on apprécie. Ce pêcheur, là-bas, qui était tout seul au bord de sa route, il était bien, il n’avait besoin de personne pour lui montrer le chemin.

Me baigner ? ... je ne sais pas..., je me suis posé la question, mais qualité de l’eau, métaux lourds ? Je pense à la pollution, aux déchets... c’est mon sujet de mémoire. Où ça va ? Qu’est-ce qu’on en fait ? Ils sont juste hors de la ville, pour qu’on ne les visualise pas. Nos déchets en tant qu’êtres humains, ceux du Port, les déchets qu’on enfouit, et ce qu’on fait à la Terre, ce qu’on envoie dans le ciel... En même temps, je trouve ça beau d’un point de vue esthétique. Beau et terrible.

Claire, le 20 juin

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